Le phénomène poltergeist n'échappe pas au débat perpétuel (et souvent vif) opposant les « sceptiques » et les « croyants » en matière de faits paranormaux.
« Il est toujours surprenant de constater que, malgré un niveau général d'instruction toujours plus élevé, les croyances en des phénomènes dits « paranormaux » tendent à persister. »
— Richard Monvoisin
« Douter de tout et tout croire sont deux solutions, également commodes, qui toutes deux, dispensent de réfléchir. »
— Henri Poincaré mathématicien, physicien et philosophe français
« Je n'ai jamais dit que c'était possible, j'ai seulement dit que c'était vrai. »
— Sir William Crookes chimiste et physicien britannique, président de la Royal Society
« Personne ne sait ce qu'est un poltergeist. Comme Bertrand Russell l'a dit à propos de l'électricité, ce n'est pas une chose, mais une façon que les choses ont de se comporter. »
— Guy Lyon Playfair, Cette maison est hantée
Hypothèse rationaliste
Les sceptiques sont essentiellement représentés par les mouvements rationalistes et zététiques, tenants du scepticisme scientifique, qui considèrent que ce type de manifestation, qui défie les bases de la physique et de la raison, a nécessairement une explication rationnelle qui n'a pas été détectée et/ou ne repose que sur des témoignages manquant de fiabilité ou d'objectivité.
Ils appuient leur démonstrations sur les nombreux cas où les présumés poltergeists ont trouvé, tôt ou tard, une explication ordinaire satisfaisante, qu'il s'agisse de causes naturelles, de fantasmes, ou de supercheries avérées.
Ce point de vue, appliqué à l'ensemble des phénomènes paranormaux, est partagé par une large partie de la communauté scientifique.
Il est entre autres synthétisé dans les ouvrages coécrits par le prix Nobel Georges Charpak et le physicien Henri Broch.
Au-delà des positions de principe, les scientifiques considèrent que les connaissances actuelles en physique sont suffisamment avancées pour qu'on sache, avec certitude, que certains phénomènes décrits, tel la téléportation d'un objet à travers un corps solide, panneau ou mur sont et resteront impossibles, quelles que soient les découvertes futures. Comme le note Carlo Rovelli :
« Ce que les théories actuelles interdisent dans leur domaine d'application ne deviendra jamais possible par la venue d'une théorie qui les engloberait : les Grecs considéraient qu'une pierre ne pouvait pas tomber vers le ciel ? Cela n'a pas changé avec la relativité ou la physique quantique. »
— Carlo Rovelli
Hypothèse de la « vilaine petite fille »
Au tout début du xxe siècle, un membre du comité directeur de la Society for Psychical Research d'Angleterre (Société pour la recherche psychique ou SPR), Frank Podmore a fait l'analyse des milliers de manifestations de poltergeists recensées par son association.
Il est arrivé à la conclusion que, dans la plupart des cas, un adolescent perturbé, aux alentours de l'âge de la puberté, est impliqué et plus fréquemment une fille qu'un garçon.
Sa seconde conclusion est que les phénomènes sont directement provoqués par les adolescents, soit qu'ils communiquent leurs terreurs et leurs hallucinations à leur entourage, soit qu'ils sont directement les auteurs des supercheries non détectées par les témoins.
Sa théorie a été désignée sous le nom de naughty little girl theory (théorie de la vilaine petite fille).
Hypothèse sociologique ou folkloriste
Pour les sociologues et les folkloristes, les poltergeists sont une croyance populaire, née de l'inconscient collectif, au même titre que les fantômes, loup-garous, vampires, fées, lutins et autres êtres ou manifestations imaginaires.
Un parallèle peut être fait avec l'approche sociopsychologique du phénomène des soucoupes volantes.
Les folkloristes notent également les nombreux parallèles existant entre les facéties attribuées aux fées ou aux lutins (ou tout autre être similaire, quel que soit son nom et ses spécificités) et les agissements des poltergeists.
Ceux-ci figurent, avec les fantômes, parmi les punitions infligées à ceux présumés les avoir offensés.
Hypothèse psychanalytique
Pour les psychanalystes, les poltergeists sont de nature hallucinatoire.
Ils sont la projection extérieure de conflits psychologiques internes aux individus concernés, auxquels il faut trouver un sens.
Selon Sigmund Freud :
« La phase d'agitation hallucinatoire nous apparaît ici encore comme dénotant un combat entre le refoulement et une tentative de guérison qui cherche à ramener la libido vers ses objets.
Jung, avec une extraordinaire acuité analytique, a reconnu, dans les « délires » et dans les stéréotypies motrices de ces malades, les résidus des investissements objectaux d'autrefois auxquels ils se cramponnent convulsivement. »
— Sigmund Freud, Cinq Psychanalyses
Dans cette approche, les manifestations physiques éventuelles sont des événements secondaires, voire négligeables :
« La façon dont vous détournez la question de savoir si ces phénomènes sont réels ou falsifiés, et la ramenez à l'étude psychologique du médium, donc des antécédents, me semble la juste voie pour entreprendre ce genre de recherches, qui conduiront à une explication des faits en question. »
— Ernest Jones, La Vie et l'œuvre de Sigmund Freud
Freud ne croyait pas aux phénomènes de psychokinèse, ce qui n'était pas le cas de Jung, qui relate ainsi ce qui s'est passé pendant une de leurs rencontres où ils abordaient ce sujet, le 25 mars 1909 à Vienne :
« Pendant que Freud continuait sur son idée, j'eus une sensation étrange.
J'avais l'impression que mon diaphragme était chauffé à blanc, comme une voûte incandescente.
Et juste à ce moment, il se produisit dans la bibliothèque, juste à notre droite, une détonation si bruyante que nous nous levâmes tous les deux, effrayés, craignant qu'elle ne s'écroulât sur nous.
Je dis à Freud : “Voilà un exemple de ce qu'on appelle un phénomène catalytique. — Allons donc, s'écria-t-il, c'est une blague. — Ce n'en est pas une, répondis-je. Vous vous trompez, professeur. Et pour le prouver, je prédis qu'il va y avoir une autre détonation aussi violente dans un moment.”
Naturellement, j'avais à peine prononcé ces mots qu'on entendit de nouveau la même détonation.
J'ignore toujours ce qui me donna cette certitude.
Mais je savais, sans aucun doute possible, que le bruit allait se reproduire.
Freud se contenta de me regarder bouche bée.
Je ne sais pas ce qui se passait dans son esprit, ni ce que signifiait son regard. »
— Carl Gustav Jung, Ma Vie, souvenirs, rêves et pensées
Selon la psychologue et psychanalyste Djohar Si Ahmed:
« Pour moi, la réalité physique des poltergeists n'est ni plus ni moins démontrable que l'existence des fantasmes, ou même de la pensée !
Et croyez-moi : un bon poltergeist, vrai ou faux, vaut bien mieux qu’un cancer, une sclérose en plaques ou un eczéma chronique, sans parler d'une schizophrénie !
L'aspect physique du phénomène n'est pas de mon ressort et ne m'intéresse pas.
J'y vois un symptôme, et si une intervention psychologique peut aider à le résoudre, à obtenir que jamais il ne revienne ni ne soit remplacé par autre chose de pire encore, c'est l'essentiel. »
— S. Michelet, Djohar Si Ahmed, Lorsque la maison crie
Hypothèse parapsychologique ou métapsychique
Depuis la fin du xixe siècle, plusieurs groupes de recherches sur les phénomènes paranormaux et la parapsychologie se sont penchés sur l'étude des manifestations liées aux poltergeists, tant en France qu'à l'étranger.
Citons l'Institut métapsychique international (IMI) créé en 1919 en France, la Society for Psychical Research (SPR) créée en 1898 en Angleterre, l'American Society for Psychical Research (SAPR) aux États-Unis, l'Institut für Grenzgebiete der Psychologie und Psychohygiene (IGPP) en Allemagne ou encore le Brazilian Institute for Psychobiophysical Research (IBPP) au Brésil.
Ces organismes, regroupés au sein de la Parapsychological Association, sont composés de chercheurs de diverses disciplines qui tentent une approche scientifique de ces phénomènes.
L'hypothèse défendue par les parapsychologues Hans Bender et William G. Roll89 est généralement retenue par ces chercheurs.
Les manifestations seraient dues à un effet de psychokinèse (PK) spontanée, produite inconsciemment par une personne perturbée, et plus spécifiquement dénommée psychokinèse spontanée et répétitive (PKSR).
Il est toutefois à noter que « l'effet PK » n'a pas été scientifiquement démontré à ce jour. Selon Alan Gauld, autre spécialiste de la question:
« Les expériences menées dans certains laboratoires ne nous en on pas assez appris sur la psychokinésie pour décider si oui ou non elle a un rapport quelconque avec les phénomènes des esprits frappeurs.
Et nous ne devons pas nous laisser aller à croire qu'en leur appliquant une terminologie à consonance scientifique telle que RSPK nous avons progressé vers une explication. »
— Alan Gauld, Les mystères de l'inconnu
Les parapsychologues sont partagés sur les causes profondes qui animent le sujet à l'origine des manifestations et qui pourraient être :
- Soit des éléments dissociés de la personnalité et de la conscience du catalyseur (médium).
- Soit la perception par ce médium d'une « imprégnation » de l'habitation par la mémoire d'un ou plusieurs défunts l'ayant occupée antérieurement.
Cette dernière éventualité se rapproche de l'hypothèse spirite, dont elle se distingue toutefois par l'absence de référence à un « Esprit » agissant.
Modélisation du phénomèneUn physicien et psychologue allemand, Walter von Lucadou a proposé un modèle théorique et expérimental original, appelé « Modèle de l'information pragmatique » (MPI), pour décrire les phénomènes parapsychologiques.
Selon lui, les poltergeists ont une évolution en quatre phases successives :
- Surprise :
Découverte de manifestations croissantes dont les causes physiques sont vainement recherchées par les témoins qui finissent par demander une aide extérieure (police, gendarmerie, etc.)
- Déplacement :
En l'absence de causes identifiées, l'origine surnaturelle commence à être évoquée.
La nature des manifestations évolue.
La venue de journalistes et de parapsychologues augmente la « demande » implicite en faits observables qui, parallèlement, se raréfient.
- Déclin :
Les observateurs se lassent et se désintéressent.
On découvre des fraudes.
- Répression :
La fraude est médiatisée, les témoins sont mis au pilori et ridiculisés.
Le modèle imaginé par Walter von Lucadou est extrêmement complexe.
En résumé, le phénomène ne pourrait disposer que d'une quantité finie d'information pragmatique (I) échangée avec l'environnement dans un processus décrit par une équation mathématique :
I = Fiabilité × Autonomie = Confirmation × Nouveauté.
Il en découle que la recherche d'augmentation de la fiabilité des observations fait décroître l'autonomie de celles-ci et que l'augmentation de la perception de ces manifestations, leur confirmation, diminue leur nouveauté.
Une des conséquences de cette théorie serait l'explication de la difficulté récurrente à obtenir des preuves incontestables.
Par exemple, l'enregistrement vidéo intégral d'une manifestation excéderait la quantité d'information pragmatique disponible du phénomène et serait donc impossible.
Hypothèse religieuse
La possibilité d'infection de lieux ou de personnes par des démons et leur expulsion par des opérations religieuses ou magiques spécifiques, est présente dans la plupart des religions et des cultures.
Avec de nombreuses variantes, les Églises chrétiennes ont, en général, longtemps considéré que les phénomènes de hantise et de poltergeist étaient des cas de possession diabolique dus à la présence d'entités démoniaques qui pouvaient être chassées à l'aide de rituels appropriés appelés exorcismes.
Cette pratique s'est développée simultanément avec l'omniprésence du démon dans la religion, de la fin du Moyen Âge jusqu'au xixe siècle.
ctuellement l'exorcisme n'est généralement plus utilisé qu'en dernier recours, avec des succès divers, après l'échec de solutions d'ordre psychologiques ou psychiatriques :
« Sous une forme simple, l'exorcisme est pratiqué lors de la célébration du Baptême.
L'exorcisme solennel, appelé “grand exorcisme”, ne peut être pratiqué que par un prêtre et avec la permission de l’évêque.
Il faut y procéder avec prudence, en observant strictement les règles établies par l'Église.
L'exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l'emprise démoniaque et cela par l'autorité spirituelle que Jésus a confié à son Église.
Très différent est le cas des maladies, surtout psychiques, dont le soin relève de la science médicale.
Il est important, donc, de s'assurer, avant de célébrer l'exorcisme, qu'il s'agit d'une présence du Malin, et non pas d'une maladie. »
— Catéchisme de l'Église catholique
. Pour autant, le père Herbert Thurston, prêtre catholique jésuite, rappelle que les exorcismes concernent exclusivement l'expulsion des esprits immondes du corps des vivants et que :
« ... les rituels autorisés par la hiérarchie ecclésiastique ne fournissent aucune prière se rapportant au problème des lieux prétendument hanté, à tort ou à raison; exception faite des formules courantes, pour la bénédiction d'une maison, contenues dans le rituel romain. »
Il est d'ailleurs patent que, dans plusieurs cas relatés dans son ouvrage, les rituels divers pratiqués par des prêtres de diverses religions chrétiennes pour tenter de faire cesser les phénomènes ont tous échoué, des symboles religieux tels que crucifix, images pieuses ou eau bénite ayant eux-mêmes été victimes des exactions.
Hypothèse spirite
Selon la doctrine spirite exposée par Allan Kardec, les poltergeists sont les manifestations d'Esprits désincarnés de bas niveau, appartenant à la sixième classe du troisième ordre, selon l'échelle spirite :
« Sixième classe : Esprits frappeurs et perturbateurs.
Ces Esprits ne forment point, à proprement parler une classe distincte, eu égard à leurs qualités personnelles ; ils peuvent appartenir à toutes les classes du troisième ordre.
Ils manifestent souvent leur présence par des effets sensibles et physiques tels que les coups, le mouvement et le déplacement anormal de corps solides, l'agitation de l'air, etc. Il paraissent, plus que d'autres, attachés à la matière; ils semblent être les agents principaux des vicissitudes des éléments du globe, soit qu'ils agissent sur l'air, sur l'eau, le feu, les corps durs ou dans les entrailles de la terre.
On reconnaît que ces phénomènes ne sont point occasionnés par une cause fortuite ou physique, quand ils ont un caractère intentionnel et intelligent. »
— Allan Kardec, Le Livre des Esprits
La présence d'un médium à effet physique semble toutefois indispensable.
Le médium ignore généralement qu'il possède cette faculté. Il cède involontairement de l'énergie aux Esprits qui s'en servent pour provoquer les manifestations, comme ce fut le cas pour les sœurs Fox, à l'origine du mouvement spirite.