le point a écrit:Il vit avec 300 à 700 capteurs, ne sort jamais sans ses Google Glass et traque même son chien. Mais qui est vraiment Chris Dancy ? Portrait.

Il habite à Denver, se compare à Tim-Berners Lee, dont il assure que l'oeuvre, le World Wide Web, est morte. Rien que ça. À 45 ans, Christopher Dancy se veut être l'inspirateur d'une révolution technologique et économique sans précédent. Propulsé par les plus prestigieux médias américains comme l'homme "le plus connecté de la planète", il cohabite en permanence avec, selon les jours, 300 à 700 capteurs en tous genres, tous reliés à son corps. Son objectif : concentrer, quantifier, collecter et analyser le maximum d'informations sur lui, sur son comportement et la façon de l'améliorer. Fou furieux pour les uns, avant-gardiste pour d'autres, il promeut chaque jour ce qu'il a baptisé "l'Inner Net", sorte de "réalité assistée" où la technologie serait au service du seul individu.

Chris Dancy et sa vision de "l'Inner Net".



Rocco, le chien connecté

Petit, Chris avait déjà pour jouet préféré un bracelet à double fonction, "montre et calculatrice." Diplômé de la Singularity University, il a passé sa vie d'une société informatique à l'autre, toujours avec succès. Sa maison, comme lui, croule sous une montagne de dispositifs à batterie, à l'utilité parfois douteuse. Ex-obèse négligé, il est aujourd'hui obsédé par son image. Les neuf accessoires portés en permanence sont "soit blancs, quand ils servent à donner des informations, soit noirs, quand ils en collectent". Son préféré ? Le Body Media Fit, un capteur discret installé sur son bras qui mesure et enregistre ses moindres mouvements. Google Glass, Fitbit et autres Narrative Camera se chargent de synchroniser ses réseaux sociaux, de prendre des photos de son environnement et d'adapter ce dernier à son humeur.

Température, lumière, humidité, pression atmosphérique..., tout est disséqué et calibré. Le lit de Chris, sa voiture et même son pauvre chien sont connectés. "Comme moi, Rocco a longtemps eu des kilos en trop. Et puis il ne peut pas s'empêcher de chasser les chats. J'ai besoin de le surveiller avec un GPS." Pour ce qui est de son matelas, l'application Beddit mesure sa respiration et son rythme cardiaque. Et du repos, justement, on en donnerait volontiers à son cerveau. "C'était fatigant au début, mais tout fonctionne ensemble et je n'ai finalement pas grand-chose à faire au quotidien. Ma vie est réglée. Le plus compliqué, c'est sûrement de devoir recharger tous ces éléments."

Il refuse d'être une idole

 Croyez-le ou non, Chris a perdu 45 kilos sur les douze derniers mois. "Ici, c'est hungry and happy. La société vous encourage à manger, encore et encore. Grâce à mon nouveau mode de vie, j'ai appris à méditer, utiliser les informations collectées pour gérer mon stress et changer mon comportement, que ce soit pendant ou entre les repas." En couple depuis trois mois, il a mis du temps à convaincre son compagnon du bon sens de sa démarche. "Pour mes parents, c'était encore pire, se souvient-il. Au début, ils pensaient que je prenais des médicaments et que je voyais des psys. En général, les gens ont l'impression que je les épie, que je m'introduis dans leur intimité. Puis ils comprennent, et veulent faire comme moi !"

Sur le Web, les réactions sont manichéennes. Souvent ridiculisé, Chris regrette les insultes et les remarques sur son "état mental". Mais à l'inverse, il refuse d'être l'objet d'un culte : "Tout ce que je veux, c'est du respect. Certains m'idolâtrent, voudraient une église. C'est excessif." Excessif, peut-être, mais à la hauteur de ses ambitions... "L'économie telle que nous la connaissons n'est plus soutenable. Je suis prêt à mener le combat et je m'y prépare dès maintenant."

Aujourd'hui, Chris est au chômage et espère secrètement que de "grandes sociétés" s'intéressent à lui. À court terme, soit dans les cinq à dix prochaines années, il souhaite rendre le travail "optionnel". "Les gens devraient avoir le choix, et être rétribués pour l'information qu'ils récoltent sur eux-mêmes et dont ils font don aux entreprises. C'est mon leitmotiv."